Bonjour !
Mélodie m’ayant dit hier que le petit dej était excellent ici, je ne peux faire autrement que de venir le déguster avec vous… Encore peu familier des lieux, je le prendrai donc à l’endroit qui me semble le plus approprié, ici, car la vue d’un cœur qui bat si joliment est plus à même d’agréablement me réveiller que n’importe quel café, aussi aromatique soit-il…
Mon cœur aussi s’accélère bien souvent devant la si subtile écriture de Christian BOBIN… Plus particulièrement d’ailleurs en savourant ce magnifique texte (mon chouchou !) qui me ramène si finement vers cette envoûtante Bretagne qui fut pour moi terre d’adoption pendant près de 7 merveilleuses années…
Puisse-t-il poser sur vos lèvres des sourires et sur vos âmes de doux rêves éveillés…
Une journée pleine de pensées ensoleillées vous souhaiter….
Thierry…
L’INESPEREE
Je reviens de Bretagne mon amour. La Bretagne est une terre belle comme l’enfance : les fées et les diables y font bon ménage. Il y a des pierres, de l’eau, du ciel et des visages ; et ton nom partout chantant dessous le nom des pierres, de l’eau, du ciel et des visages.
Cela fait bien longtemps que je ne sors plus sans toi. Je t’emporte dans la plus simple cachette qui soit : je te cache dans ma joie comme une lettre en plein soleil.
Il y a en Bretagne beaucoup d’églises, presque autant que de sources et de diables. Dans une chapelle, j’ai vu un bateau large comme deux bras ouverts. Il ne portait ni voiles ni mât ; rien d’autre que des bougies. On aurait dit un jouet d’enfant. Sur la coque, ce nom en peinture bleue : A L’ABANDON DE DIEU. J’ai aussitôt pensé à toi : ce petit bateau c’est ta vie et c’est toi, mon amour. C’est la pureté de ton cœur mille et mille fois naufragé, mille et mille fois reprenant le large, emportant avec lui cette lumière qui le brûle et le lave.
C’est une chose que tu m’as apprise, mon âme. Tu m’as appris beaucoup de choses. Tu m’as d’abord enfermé dans ton rire comme un écolier dans la classe au mois d’août, puis tu m’as rendu au monde avec pour devoir de l’écrire comme il est : affreusement noir en dessus, miraculeusement pur en dessous.
Si je veux connaître ce que sont le courage et la noblesse de vivre, il me suffit de te voir et d’écrire selon ce que je vois.
Tu es partout présente et je regarde le monde par tes yeux clairs : il est comme une passerelle de bois entre nous, depuis toujours franchie.
Le simple toucher de l’air sur mes joues, dans une promenade au bord de l’océan, c’était toi, entière : c’est difficile d’expliquer cela et je ne suis pas sur qu’il soit besoin d’expliquer ce que l’on vit. La vie est à elle-même son propre sens, pour peu qu’elle soit vivante.
C’est ce goût de vivre qui est blessé dans ces heures là. C’est toujours l’amour en nous qui est blessé, c’est toujours de l’amour que nous souffrons même quand nous croyons ne souffrir de rien.
La contemplation boudeuse, dans la petite enfance, d’un plafond de chambre ou d’un bout de trottoir m’a révélé plus de choses sur l’enfer que tous les livres de sagesses lus ensuite.
L’enfer, c’est cette vie quand nous ne l’aimons plus. Une vie sans amour est une vie abandonnée, bien plus abandonnée qu’un mort.
Un jour je te dirai à quel point je t’oublie dans le premier visage venu et à quel point je t’y retrouve.
Je souris en écrivant cette lettre et je ne l’ai sans doute écrite que pour ce sourire là, que tu me donnes. J’ai encore beaucoup de choses à te dire. Je les mettrais dans les livres : je n’ai jamais écrit que pour toi, dans l’espérance que l’imbécillité de l’amour me sauve de la stupidité de la littérature.
Allez va, va petit bateau chahuté par les vagues, va délivrer ta cargaison de lumière…
Christian BOBIN
L'esprit libre est celui qui pense autrement de ce que l'on attend de lui... Il est l'exception...
Les esprits assservis sont la règle...