Henri CANTEL (1825-1878)
Henri Cantel est un des premiers disciples de Baudelaire, à qui, dès 1853, dans "l'Éclair", il a dédié un sonnet païen intitulé "Les Lèvres". Il lui a adressé le 21 juillet 1859 une lettre dans laquelle il disait son admiration pour "Les Fleurs du mal". Cette admiration baudelairienne se retrouve dans son sonnet "Le Clitoris" où les héroïnes d'amour, prêtresses d'art pur sont des "chercheuses d'infini". Enfin dans son Anthologie historique des lectures érotiques, Jean-Jacques PAUVERT cite le peu d'ouvrages d'Henri CANTEL : "Impressions et Visions" chez Poulet Malassis en 1859, préface de H. Babou, "un poème galant", et "Le Mouchoir", en 1868. Ainsi que des "Poèmes du Souvenir" en 1876, et "Le Roi Polycarpe, moeurs du temps", en 1879.
LE CLITORIS
Le clitoris en fleur, que jalousent les roses,
Aspire sous la robe, à l'invincible amant ;
Silence, vent du soir ! taisez-vous, cœurs moroses !
Un souffle a palpité sous le blanc vêtement.
Béatrix, Héloïse , Eve, Clorinde , Elvire ,
Héroïnes d'amour, prêtresses de l'art pur,
Chercheuses d'infini, cachez-vous de l'azur !
D'astre en astre montez, aux accents de la lyre
Loin des soupirs humains ; plus haut, plus haut encor,
Volez, planez, rêvez parmi les sphères d'or !
Le printemps fait jaillir les effets hors des causes ;
La lune irrite, ô mer ! ton éternel tourment,
Et le désir en flamme ouvre amoureusement
Le clitoris en fleur qui jalouse les roses.
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LES TRIBADES
Les filles de Lesbos dorment entrelacées,
Comme deux jeunes fleurs sur un même rameau ;
Elles dorment ! Leur sein éblouissant et beau,
Se gonfle au souvenir de leurs folles pensées.
D'un mutuel amour leurs lèvres caressées
Semblent prêtes encor pour un baiser nouveau ;
Et demain dans ce lit, voluptueux tombeau,
Le plaisir rouvrira leurs corolles lassées.
Leur corps n'est entouré d'aucun voile jaloux ;
J'écoute soupirer leur souffle, et je me penche
Pour mieux voir les contours de leur nudité blanche.
Mais je ne suis qu'un homme, et je pleure à genoux :
Sur elles, pour tromper ma flamme inapaisée,
Mon désir verse à flots sa brûlante rosée.